February 23, 2017
Plurilinguisme : un enjeu pour la recherche
Comme souligné par A. Hirstein dans un article paru le 13 février 2017 dans la NZZ am Sonntag (lire également l’éditoriale de cette édition dominicale), le monde scientifique atteste une prédominance toujours croissante de l’anglais. En Suisse, l’évolution de la politique de soutien à la recherche démontre toute la pertinence et l’actualité de cette thématique.
En effet, l’anglais s’est imposé à de nombreux chercheurs désireux d’obtenir un subside du Fonds national de recherche (FNS). Les requêtes de plusieurs disciplines (mathématiques, sciences naturelles, ingénierie, biologie, médecine, psychologie, sciences politiques et économiques) ne peuvent être déposées qu’en anglais auprès de cette institution-clé, donnant ainsi force normative à une pratique de plus en plus répandue parmi les chercheurs. Une interpellation parlementaire (Reynard 15.3052) avait interrogé le Conseil fédéral à ce sujet. Celui-ci n’avait pas jugé nécessaire d’intervenir. Depuis, une motion (Reynard 15.3647) pour une meilleure application de la loi sur les langues dans les institutions dépendant de l’Etat est en attente de discussion au Parlement.
S’il est vrai que l’anglais s’est affirmé comme la langue incontournable dans le domaine des sciences, la valeur des publications en langue nationale ne doit pas être négligée. La Suisse profite en effet d’un bassin scientifique dynamique grâce aux populations germanophones, francophones et italophones présentes sur la surface du globe, avec des pays à la pointe de la recherche comme l’Allemagne, la France ou le Canada.
Bien sûr, une reconnaissance internationale au sens large semble aujourd’hui inséparable du recours à l’anglais. Il est cependant bon de rappeler qu’un chercheur ne saurait faire valoir ses résultats avec autant de nuances et de précisions dans une langue acquise que dans sa langue maternelle. C’est la science elle-même qui perd ici, s’amputant des nuances réflexives d’une grande partie de la communauté scientifique. Et si l’usage d’une langue ne limite ni ne favorise intrinsèquement la pensée dans un domaine particulier, il n’empêche qu’une approche diversifiée issue de paradigmes culturels et linguistiques, d’expressions et de vocabulaires différents enrichit indéniablement les perspectives scientifiques et donc leurs résultats.
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